Thierry Marchand

Par Thierry MARCHAND  Président de la Chambre  des Diagnostiqueurs  Immobiliers CDI-FNAIM 

Le vendredi 24 septembre dernier, pour tous les logements et bâtiments  d’avant 1975, le Gouvernement a décidé de suspendre tous les diagnostics  de performance énergétique (DPE) menés avec les nouvelles règles entrées  en vigueur le 1er juillet dernier. Les résultats obtenus n’étaient pas assez  fiables alors que ce DPE est désormais opposable. Une décision irrémédiable  mais sage au vu des enjeux et qui permettra de corriger ce qui mérite de  l’être. 

Rarement une simple réforme technique aura soulevé un tel tollé : le nouveau  diagnostic de performances énergétique, indicateur de vertu des logements  à la vente et à la location -privés et HLM- devenu populaire, a fait l’objet d’une  refonte radicale. Sa version évoluée est entrée en vigueur au 1er juillet 2021.  Pour fiabiliser cet outil et lui permettre de s’imposer comme « opposable »,  c’est-à-dire pouvant permettre d’engager la responsabilité du propriétaire, le  ministère en charge du logement a travaillé depuis un an à un moteur de  calcul intégrant plus de données, en vue de fournir aux acquéreurs et aux  locataires des informations objectives. Ainsi, en lieu et place des factures de  consommation d’énergie du précédent occupant, au demeurant parfois  difficiles à obtenir et entraînant l’impossibilité de calculer la performance, ce  diagnostic se fonde désormais sur des caractéristiques physiques du bien. Il  associe aussi à la performance pure, classée sur une échelle de A à G,  l’émission de gaz à effet de serre et des simulations de dépenses  énergétiques. Enfin, il comporte des préconisations de travaux pour faire  accéder à un degré de performance correct, dans les trois premiers barreaux  de l’échelle, A, B ou C, les logements énergivores. En somme, le nouveau DPE  avait vocation à gagner en exactitude et en complétude pour prendre, à ce  titre, valeur contractuelle. Le ministère avait fourni une étude d’impact qui  anticipait une situation équilibrée : de l’ordre de 800 000 logements allaient  mécaniquement progresser dans le classement environnemental et autant  seraient au contraire affectés d’une note dégradée.  

Quelles erreurs constatées avec le nouveau DPE ? 

À l’épreuve des faits, rien ne s’est passé comme les pouvoirs publics  l’attendaient. Des anomalies en grand nombre ont été constatées, conduisant  à une proportion élevée de logements disqualifiés, jugés passoires  énergétiques par le nouveau crible, avec à la clé une dévalorisation  considérable, voire une perte de liquidité. Pour les logements les plus anciens,  de type hausmannien notamment, et de plus petite superficie, l’impossibilité  de proposer des travaux entraînant un redressement de note à des niveaux  satisfaisants a également été pointée. A aussi été minimisée la difficulté pour les diagnostiqueurs de collecter les informations techniques sur le bien  nécessaires à l’établissement du DPE, le cas échéant avec le concours de  l’agent immobilier ou de l’administrateur de biens mandataire. Le résultat a  aussi consisté à faire figurer dans les documents des simulations de facture  très nettement supérieures à la réalité constatée, jusqu’à des excès aberrants. Le bilan de cette situation a de quoi inquiéter : sur les quelques 300 000 DPE  établis depuis juillet, la moitié a concerné des logements construits avant  1975, dont une fraction majeure a comporté d’évidentes anomalies. Dans ce  contexte, Emmanuelle Wargon, ministre en charge du logement, vient de  prendre la décision à la fois sage et courageuse de surseoir à l’obligation de  réaliser le DPE pour les biens édifiés avant cette date de 1975 -sauf en cas de  transaction urgente- tant que le moteur et les logiciels qui calculent les DPE  de nouvelle génération ne seront pas nettoyés des scories qui les affectent.  Les diagnostiqueurs œuvrent bien sûr avec les spécialistes du ministère du  logement pour parvenir à ce résultat dans les meilleurs délais.  

Expérimenter pour mieux réformer 

Concrètement, les biens pour lesquels a été réalisé un DPE fautif  bénéficieront d’un nouveau diagnostic, qui corrigera et annulera le  précédent, sans frais. Une négociation va s’ouvrir avec le gouvernement pour  que soit effectivement neutralisé le coût pour la communauté des  diagnostiqueurs de cette vaste opération de rappel. On entend des critiques  acerbes adressées au gouvernement, montrant d’un doigt accusateur son  impéritie. Elles sont infondées. Il fallait la lumière de l’expérience pour  identifier finement les dysfonctionnements qui pouvait compromettre la  justesse du DPE. La plupart des défauts ne pouvaient être prévus a priori et il  faut avoir la modestie de le dire. Les polémiques, que certains peuvent  trouver avantage à alimenter, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Oui,  moderniser le DPE et lui donner plus de force pour conduire à la rénovation  environnementale des logements était vital. Oui, il était indispensable que cet  indicateur, qui constitue une aide à la décision de louer ou d’acheter, soit plus  qu’indicatif et qu’il acquière une force juridique majorée. L’heure n’est plus à  la légèreté en matière d’appréciation du besoin de mettre à niveau notre parc  de logements -maisons individuelles comme immeubles collectifs, à  destination locative comme pour occupation en propre. L’empreinte carbone  liée à l’immobilier doit d’urgence être réduite. La loi Climat et résilience du 22  août 2021 a fixé un cap exigeant pour le parc locatif comme pour les  copropriétés faisant suite à la loi Énergie climat du 8 novembre 2019. 

Tout au plus la séquence qui s’achève, marquée par le besoin d’ajuster un DPE  conçu à marche forcée, doit-elle faire réfléchir sur la méthode d’adoption des réformes techniques. L’expérimentation devrait à l’avenir être préférée à la  généralisation hâtive, fût-elle dictée par l’urgence climatique. Elle devrait en  particulier inspirer la mise en place de l’audit énergétique, instrument de  mesure plus précis et complet encore que le DPE. La loi « portant lutte contre  le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience contre ses effets  » le rend obligatoire dès le 1er janvier 2022 pour les logements les plus  énergivores. Il est appelé à s’imposer comme l’outil de référence d’évaluation  et d’aide à l’amélioration de la performance environnementale. Il importe de  se garder des faux pas, qui risquent de dissuader les ménages d’aller vers la  vertu énergétique.